Puberté précoce

À retenir

Définition:

  • chez la fille :présence de signes pubertaires (stades Tanner >1) avant l’âge de 8 ans,
  • chez le garçon par la présence de signes pubertaires (stades Tanner >1) avant l’âge de 9 ans.

On distingue la puberté précoce centrale (GnRH dépendante) de la puberté précoce périphérique (GnRH indépendante).

Une dissociation psychosomatique (corps déjà avancé mais enfant pas encore « mature ») est fréquente. Un enfant présentant des signes précoces de puberté peut se distancer ou être distancé de ces pairs.

Le développement pubertaire est contrôlé par l’action des hormones œstrogène et testostérone. Sur le plan clinique il est défini par les stades de Tanner

  • L’oestrogène est produite par les cellules folliculaires ovariennes, en principe sur stimulation par la gonadotropine LH, par aromatisation des précurseurs androgènes stéroïdiens. L’oestrogène qui circule liée à la protéine SHBG (sex hormone binding globuline) agit sur les récepteurs ER (ER alpha and ER beta) exprimés dans l’endomètre, l’hypothalamus, l’épithélium du canal efférent (ER-alpha), et les cellules granulosa, reins, cerveau, os, cœur, muqueuse, prostate (ER-beta). Il est activé par 17-beta œstradiol, mais également par d’autres modulateurs du ER.
  • La testostérone est produite par les cellules de Leydig testiculaire, mais des androgènes sont également produits par la glande surrénale. La testostérone et l’androgène 5 alpha-dihydrotestosterone agissent sur le récepteur aux androgènes présents sur différents tissus cibles influençant l’anatomie génitale masculine, la pilosité sexuelle, la fertilité masculine et le comportement. Le récepteur aux androgènes n’est pas exprimé dans les cellules de Sertoli avant l’âge de 5 ans empêchant une spermatogenèse précoce.

L’action des hormones sexuelles sur l’os explique le concept de progression de la maturation de l’âge osseux et de l’acquisition de masse osseuse pubertaire. Il y a donc une bonne corrélation de ses signes avec la présence d’hormones sexuelles. Les taux plasmatiques de facteurs de croissance IGF-1 augmentent pendant la puberté en raison d’une interaction entre les hormones sexuelles et l’axe somatotrope, ce qui est corrélé à l’augmentation de la vitesse de croissance.

À la puberté (centrale) , l’utérus change sa morphologie avec longueur utérine supérieure à 3,5 cm, une épaisseur du fond utérin supérieure à celle du col, et un endomètre d’épaisseur supérieure à 1 mm. La longueur ovarienne augmente à > 3cm et leur volume > 3 cm³. Le testicule pubertaire aura un volume de >3 ml .

Attention à la présence d’hormones d’origine exogène (médicaments, « pilule », certaines préparations médicinales exotiques), ainsi que à la présence d’hormones virilisantes d’origine surrénale (HCS).

On distingue principalement les pubertés précoces GnRH indépendantes, donc sans activation centrale de l’axe hypothalamo-hypophysaire, de la puberté précoce GnRH (LH/FSH) dépendante :

  • La cause la plus fréquente d’une puberté précoce GnRH indépendante (ou périphérique) est une activation précoce d’un follicule ovarien qui peut se former en kyste. Des tumeurs ovariens (tumeur à cellules de granulosa-thèque) sont très rares, tout comme le syndrome de McCune Albright associé à des mutations somatiques du gène GNAS (tâche cutanée typique, dysplasie fibreuse).
  • Par rapport à la possibilité d’une puberté GnRH dépendante (ou centrale), la cause idiopathique reste la plus fréquente chez la fille. Cependant, des lésions de la région hypothalamo-hypophysaire ou de la région pinéale, notamment hamartomes, gliomes, germinomes et adénomes, doivent – surtout si jeune âge , évolution rapide ou chez le garçon- être exclus par imagerie avant tout réflexion sur une thérapie freinatrice de la puberté.

Variantes de la norme:

Le développement pubertaire ne porte que sur un seul caractère sexuel secondaire. L’avance staturale parfois constatée reste discrète, dans la cible parentale,  et l’âge osseux n’excède pas ou peu  l’âge chronologique  (< 1 année) :

  • pilosité génitale en petite enfance (cheveux généralement fins et lisses et situés davantage le long des lèvres ou sur le scrotum)
  • acné de la  "minipuberté (2-6 mois de vie)"
  • thélarche prématurée (Seins de stade 3 de Tanner avec mamelons immatures et muqueuse vaginale non œstrogènisée)
  • adrénarche précoce simple (cheveux plus épais, plus bouclés et plus localisés sur la symphyse pubiénne, parfois accompagné d'odeurs axillaires)
  • métrorragies isolées
  • gynécomastie péripubertaire

1) Définir:

Isosexuel:

  1. féminisation (thélarche, lubrification des petites lèvres, ménarche, galactorrhée) chez une fille 
  2. virilisation (pilosité pubiénne ou axillaire, odeur axillaire, acné, enlargissement  de la verge, volume testiculaire ≥ 4 ml (Orchidomètre ) chez un garçon

Hétérosexuel:

  • virilisation (pilosité pubiénne, axillaire, périaréolaire, odeur axillaire, acné, clitoromégalie (> 1 cm) , hirsutisme, voix grave, dévéloppement musculaire) chez une fille
  • féminisation (gynécomastie, galactorrhée, proportions corporelles) chez un garçon 

2)  Anamnèse:

  • Chronologie / Vitesse des changements        
  • Anamnèse néonatale        
  • Antécédents familiaux de puberté précoce ? - Adoption ?        
  • Exposition à des stéroïdes sexuels exogènes (aliments, crèmes, lotions…)        
  • Signe d'urgence / atteinte centrale  (céphalées, troubles de la vision, crises épileptiques)         
  • Signe d'urgence/atteinte abdomino-pelviénne         
  • Antécédent de pathologie du système nerveux central         
  • Changement du comportement, des émotions, de la nutrition         
  • Antécedents de variation du dévéloppement sexuel        
  • Evolution staturopondérale        
  • Changement des proportions corporelles        
  • Anamnèse détaillé: médicaments, alcool, drogues (marihuana)      

Examen clinique 

  • Signes de féminisation / virilisation prédominants ?             
  • Enfant de 0-6 mois: déterminer EGS= external genital score.
  • Signes d'hirsutisme : score de Ferriman-Gallway            
  • Signes présentes des deux côtés ? (unilatéral ou bilatéral)            
  • Examen neurologique avec champ visuel (au doigt) et fond d'oeil             
  • Examen abdominal: organomégalie ? Masse palpable ?            
  • Tâches cutanées hyperpigmentées avec bordure irrégulière et dentelée (McCune-Albright) ?  "Café au-lait" ? (NF-1)            
  • Dysplasie fibreuse osseuse (McCune Albright)            
  • Signes de trouble thyroïdien (goître, stagnation de la croissance avec prise pondérale …)            
  • Signes syndromiques ?            
  • Vitesse de croissance augmenté ? (croisement d'au moins un canal de percentile de croissance linéaire)            
  • Envergure , taille assise            
  • Disproportion ?            

3) Evaluation 

Attention aux variantes de la norme: Le développement pubertaire ne porte que sur un seul caractère sexuel secondaire. L’avance staturale parfois constatée reste discrète, dans la cible parentale,  et l’âge osseux n’excède pas ou peu  l’âge chronologique  (< 1 année) (cf section "Comprendre")

Adapter selon le cas si plus qu'un seul caractère sexuel secondaire se dévéloppe et/ou si les signes évoluent rapidement.

  • Vérifier: Radiographie de la main gauche (âge osseux),
  • US abdominal (surrénales), US pelvien chez la fille US testiculaire chez le garçon
  • Doser: stéroïdes sexuels, stéroïdes surrénaliens, gonadotrophines, bilan hypophysaire, marqueurs tumoraux (beta-HCG, alpha-fetoprotéine) en cas d’évolution rapide
  • Considérer  IRM hypothalamo-hypophysaire
  • Densitométrie osseuse– considérer IRM
  • Considérer test dynamique: test de stimulation LHRH
  • Considérer examens génétiques (Makorin Ring Finger Protein 3 (MKRN3), a maternally imprinted gene on chromosome 15 within the Prader–Willi syndrome locus, 
    Delta-like noncanonical Notch ligand 1 (DLK1) maternally imprinted gene, kisspeptin (KISS1) and its receptor (KISS1R), 

4) Diagnostic différentiel

PP Isosexuelle: Féminisation (thélarche, lubrification des petites lèvres, ménarche, galactorrhée) chez une fille  GnRH dépendante (centrale),  LH élevée Idiopathique (> 70%), tumeurs du SNC  (hamartome, germinome, gliome, astrocytome) lésions du SNC ( kyste arachnoidien, kyste pinéal, lésions séquellaires, NF1, sclérose tubéreuse
GnRH indépendante (périphérique/exogène) ,   LH supprimée Kyste ovarien fonctionnel, tumeur gonadique, germinome pinéal ou hypothalamique B-hCG-secrétant, syndrome de McCune-Albright, hormones sexuelles exogènes
PP IsosexuelleVirilisation (pilosité pubiénne ou axillaire, odeur axillaire, acné, enlargissement  de la verge, volume testiculaire ≥ 4 ml (Orchidomètre ) chez un garçon GnRH dépendante (centrale) ,  Vol test.  ≥ 4 ml,  LH élevée Idiopathique (<30%), tumeurs du SNC  (hamartome, germinome, gliome, astrocytome) lésions du SNC ( kyste arachnoidien, kyste pinéal, lésions séquellaires, NF1, sclérose tubéreuse
GnRH indépendante (périphérique ou exogène) , Vol test.  < 4ml ,     LH supprimée HCS, tumeur gonadique, tumeur surrénaliénne (corticosurrénalome), germinome pinéal ou hypothalamique B-hCG-secrétant, syndrome de McCune-Albright, hormones sexuelles exogènes
PP Hétérosexuelle: Virilisation (pilosité pubiénne, axillaire, périaréolaire, odeur axillaire, acné, clitoromégalie (> 1 cm) , hirsutisme, voix grave, dévéloppement musculaire) chez une fille  Hyperplasie congénitale des surrénales (HCS), Syndrome des ovaires polykystiques (PCOS), tumeur surrénale ou gonadique sécrétante, hormones exogènes (androgènes)
PP HétérosexuelleFéminisation (gynécomastie, galactorrhée, proportions corporelles) chez un garçon  Médicaments (spironolactone)  - produits comsétiques ou alimentaires oestrogèniques - Action androgène déficiente  / action œstrogène excessive  - Dys-(souvent hyper)thyroïdie -  tumeur bénigne testiculaire (cellules de Leydig / Sertoli) - tumeur produisant hCG - Excès d'aromatisation -  syndromes (Peutz-Jaeghers (STK11) / Carney) - cirrhose hépatique - drogues (marihuana)
 

5) Traitement

Selon diagnostic : Traiter la cause !

Le pilier du traitement de la puberté précoce centrale idiopathique est le traitement par un agoniste de la GnRH, qui est généralement administré par injection intramusculaire (désensibilisation et régulation négative de la signalisation de la GnRH), p.ex. la Triptoreline

Imagérie

Utérus prépubère Hypoéchogène, homogène. Ligne cavitaire pas visible. Morphologie « en goutte » , corps utérin fin , rapport corps sur col < 1. Hauteur utérine 3 cm ± 0,5 cm. 
Utérus pubère Aspect tubulaire , épaississement du corps avec un rapport corps/col supérieur à 1 , ligne cavitaire échogène, hauteur utérine supérieure à 3,5 cm 
Ovaire prépubère Hypoéchogène, hétérogène, microfollicules <  5 mm. Mensurations moyennes : 2 cm de longueur × 1 cm de largeur et 1 cm d’épaisseur
Ovaire pubère Longueur > 3 cm ou volume >  3 cm3 . Activité folliculaire avec visibilité de plusieurs follicules

Laboratoire

- Thelarche prématurée (TP): stade Tanner B2-B5 , P1 avant 8 ans et LH basale < 0.1 mIU/mL, ΔLH<ΔFSH , LH stimulée <5 mUI / mL;

- Adrenarche prématurée (AP): stade Tanner P2-P5, B1 / G1, androgènes surrénaux (dehydroepiandrosterone sulfate [DHEAS]) élevées, LH non stimulée. Exclure l’hyperplasie surrénalienne congénitale non-classique par la mensuration de la 17-OH-P basale et/ou stimulée (test ACTH) );

- Puberté précoce périphérique (PPP): stade Tanner B2 avant 8 ans chez les filles, G2 avant 9 ans chez les garçons, les gonadotrophines sont supprimées, les stéroïdes sexuels accrus, exclure HCS, tumeur (surrénale, gonadique, germinome)

- La puberté précoce centrale (PPC): stade Tanner B2 avant 8 ans chez les filles, G2 avant 9 ans chez les garçons. Des résultats de laboratoire suggestifs peuvent être; LH basal > 0,3 mUI / mL, LH stimulé > 5 mUI / mL, ΔLH>ΔFSH, ratio LH/FSH > 0.43, augmentation des stéroïdes sexuels. Ad imagerie cérébrale.

IRM

IRM hypophysaire

Le volume de l'hypophyse varie en fonction de l’âge et stade pubertaire.

Hauteur hypophysaire maximale selon âge :  

  • enfants (<12 ans) : 6 mm (face supérieure plate ou légèrement concave)
  • puberté : 10 mm (surface supérieure convexe ; plus marquée chez les femmes)
  • jeune adulte : homme : 8 mm ; femme : 9 mm (pendant la grossesse : grossesse : 12 mm

Volume normal chez l’enfant prépubère 

Petite taille adulte

Marginalisation sociale

Complications en lien avec la pathologie sous-jacente